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  • Lucie

Premier jour de chasse


Après une nuit où la fraîcheur ambiante me réveille plusieurs fois, je me lève dès que je vois filtrer un peu de lumière. S'arracher à la chaleur du lit n'est pas facile, tout le monde dort dans la pièce, mais la lumière d'avant le lever du soleil est une vraie récompense. Je suis seule dehors. Par contre, il fait très froid, et mes doigts protestent vigoureusement. La température perd encore quelques degrés après le lever du soleil (-19) et j'abdique.

Petit matin dans l'Altaï

Meriamgul, qui est dehors maintenant, a pitié de moi et me fait rentrer dans leur pièce, chauffée depuis son réveil, pour réchauffer mes mains au dessus de leur poêle. Ils dorment à 8 dans la petite pièce, sur des tapis. Je vois que ses mains à elle sont pleines de crevasses, à force de plonger de l'eau froide au poêle, et réciproquement. On se graisse donc les mains de concert tandis que j'observe sa famille qui se préparent à sortir.

Les premières heures du matin sont consacrées à la constellation immuable des tâches quotidiennes. Je fais la connaissance de Sadtiguil, 15 ans, qui est rentrée de l'internat pour le week-end. Elle est très curieuse de moi et de Shirley en tant que femmes, citadines, européennes (image dont je ne suis pas certaine d'être très représentative). Elle me délivre en anglais des informations que je ne comprends pas, pas plus qu'elle ne comprend le mien. Nous en revenons au langage des mimiques et des mains. Elle remonte timidement mes manches pour explorer des yeux mes poignets, que j'ai garni de bracelets avant mon départ, sachant que les petits bijoux sont toujours un cadeau apprécié. Elles les approuvent d'un pouce dressé. C'est une adolescente avant tout, avec son sac à dos piqueté de petites peluches roses. Sa sœur aînée à perdu l'air de l'enfance, et c'est déjà une jeune femme marquée par le travail.

Les chevaux arrivent au camp

Mais enfin, c'est le moment de se préparer au départ ! Des familles alentours amènent des chevaux, qui semblent tous de bonne composition. Ils sont sellés de selles rustiques, dont les sangles sont tressées et les étrivières des sangles en coton effilochées.

On nous attribue des chevaux. Pour emmener les sacs photos, un chameau nous accompagne. Les mises en selles sont un spectacle pour les enfants, qui rient de nous voir un peu gauches. La petite de quatre ans tient absolument à me promener avec beaucoup de sérieux en longe. Tandis que les chevaux de nos deux costauds échangent des regards, effarés de la journée qui les attend.

Nos chevaux sont placides et de bonne composition, tandis que celui de Rahenbek nous paraît nettement plus alerte.

Enfin notre cortège s'ébranle pour la montagne. Et c'est l'enchantement pour moi de parcourir ces immensités, de gravir des pentes abruptes, faisant confiance au pas sûr de ma monture. Je suis comme une corde, en résonnance avec la beauté environnante, tous les sens en alerte. Rahenbek part en éclaireur, et, lorsque en levant les yeux, je vois sa silhouette se découper sur une pointe rocheuse 400 m au dessus de moi, c'est en trop pour moi. La perfection absolue de cette vision qu'aucune photo ne saura jamais reproduire me fait verser des larmes de pure émotion.

Au sommet, nous descendons tous de cheval et suivons Rahenbek, qui a déjà démarré ses observations avec l'autre aiglier et son fils .

Nous sommes tous arrivés à proximité de l'éperon rocheux d'où il entretient un dialogue avec ses rabatteurs, qui en bas, ont déjà cerné l'endroit où se trouve un renard. Qui sera, si tout se passe comme ils le souhaitent, la proie du jour.

Le guet

Au fur et à mesure des échanges, et des indications des rabatteurs, qui lancent des pierres au sol pour faire sortir le renard, l'aiglier se déplace très rapidement, courant sur la crête et littéralement bondissant de pitons en promontoires, et lorsque nous le rattrapons, l'aigle est déjà parti et il a attrapé le renard. L'aiglier court les rejoindre, dévalant la pente abrupte à la manière mongole (tout droit et en courant), et bien ma foi, j'en fais autant, en mode français (en crabe et précautionneusement). Droit dans une pente dont je prie qu'il ne faille pas la remonter.

L'attaque de l'aigle

L'aigle et le renard sont dans un corps à corps furieux mais la pression des serres sur le renard est implacable. Et c'est un vrai défi pour l'aiglier de lui faire lâcher sa proie, car il veut le faire travailler encore un peu. L'aigle ne pense qu'à la viande qu'on lui refuse ! L'aiglier est mordu plusieurs fois par le renard, et ils finissent par d'y mettre à trois pour le dégager.

Le renard est relâché et l'aigle, des hauteurs où il a été remonté, fond sur lui. La dernière attaque est fatale, l'aigle ouvre ses ailes au dessus du corps inerte comme s'il voulait cacher sa proie. L'aiglier ouvre le renard proprement pour que l'aigle mange les viscères. Il a du sang partout jusque sur les plumes de la tête. Globalement, ce n'est pas un spectacle bien réjouissant. Mais c'est ainsi que l'aigle se nourrit.

Ensuite l'autre aigle est nourri également.

Le fils de Rahenbek

Une fois les aigles repus, à nous de casser la croûte rapidement avant de repartir à cheval. Heureusement, nous n'aurons pas à remonter cette fichue pente, les chevaux justement descendent en procession précautionneuse, suivi du chameau.

Le retour est fabuleux. Nous rentrons en compagnie d'un aiglier à cheval et l'autre à moto, avec son aigle, et nous-mêmes en confiance avec nos montures. En arrivant, nous profitons des dernières lumières pour faire quelques portraits. Nos deux aigliers et le petit garçon de la famille rentrent dans le jeu.

Le soir, ils sont fascinés par les images et les commentent entre eux. Je leur montre aussi les images de mon précédent séjour en Mongolie, qui les intéressent également. Dans cette ambiance détendue, ​Sadtiguil, la deuxième fille de la famille étale de la pâte, accroupie au sol, pour faire des nouilles pour leur soupe. Tout le monde, dans ce contexte et dans cette famille, jusqu'à la petite de quatre ans, travaille dur. Ce qui n'empêche pas la gaîté.

On finit par se coucher, tous bien fatigués. Le temps de commencer à sombrer, j'entends Meriamgul qui recharge le poêle, bouses et charbon, et faire le tour pour tous nous couvrir avec des couvertures.

Le récit de la veille ici


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