top of page
  • Photo du rédacteurLucie Bressy

Fleuve Gambie : Les enfants jouent, les poissons meurent


Notre dernière journée avant le départ commence par un petit déjeuner en ville avec des Sénégaulois, ou plutôt belges. Ils vivent ici depuis 6 ans à temps plein, nous décrivent l'envahissement du marché de la construction par des matériaux chinois bas de gamme, hors d'état en un an ou deux, les délais pour faire livrer par container telle ou telle pièce pour la voiture, les tracasseries régulières avec les gendarmes. Ils nous racontent aussi une exploitation modèle montée par un expatrié, en pleine brousse, où après avoir fait un forage, et fourni un travail de titan, il produit désormais de la viande et des laitages de qualité, irréprochables. Il pratique la permaculture, et fait travailler les femmes des seize villages environnants. J'aimerai bien visiter. Nous déjeunons dans la pure tradition française, pain, confitures, viennoiserie. L'après-midi, nous sommes seuls et partons pour la lagune à pied. Le long de la plage, une centaine de milans noirs scrutent les déchets alimentaires régulièrement vidés par les pêcheurs, les restaurants.... Nous traversons des plages privées, ou les touristes sont parqués sous surveillance. D'après ce que je comprends, même si ça paraît délirant, on leur recommande de ne pas sortir de l'hôtel ou alors sous escorte, à cause de l'insécurité qui règnerait dans les rues. C'est ainsi que muni de leurs bracelets rouges, ils sortent prudemment en groupe, avec un membre du personnel, qui les conduit dans "certains" magasins. Une mécanique bien rodée... À la lagune, j'observe une famille mixte, trois fillettes resplendissantes qui jouent sous l'œil attentif des deux jeunes parents. Tout n'est pas si sombre. Retour à la maison ou en l'absence de nos hôtes nous accueillons les locataires de la maison. Bouclage des valises, dinette et hop au lit. Le lendemain à 4h15 on se lève en vue du départ. Modou, notre guide, nous rejoint et nous voilà partis pour 8/9 h de route. C'est long. On s'arrête à peine, il fait très chaud. La route est monotone, quelques singes, des feux de brousse ponctuent les kilomètres.

À l'arrivée à Kedougou, le copain de notre guide nous attend pour nous faire visiter. Il a 27 ans, célibataire et la tête pleine de projets pour s'assurer une vie décente. Il nous emmène en premier lieu visiter le site d'orpaillage local. Paisible selon lui. Je suis sous le choc,le lieu est tentaculaire, en fait. Les chercheurs d'or viennent du Mali, du Sénégal, de Guinée, ou encore du Niger tenter leur chance. Nous passons dans l'indifférence mais les sourires ne sont pas si rares. L'ambiance est calme malgré l'enfer évident. Quelques boutiques pour l'essentiel, ici tout est plus cher, notamment le carburant, vendu dans des bouteilles en verre. La forêt proche est envahie de détritus. Tous ces gens agglutinés sont là pour l'or. Aujourd'hui le gramme d'or vaut 20000 CFA. Tout un chacun traverse le fleuve, en payant, et récupère de la roche en creusant dans la mine ou en l'achetant à un mineur. Ensuite il faut retraverser le fleuve avec son chargement, faire passer son butin au moulin puis tamiser la poudre sur une longue planche garnie d'un espèce de tapis ras. Ensuite on récupère ce qui est resté sur les tapis, on y ajoute du mercure on retamise et on prend l'or éventuel. Les boues sont ensuite récupérées, mises à sécher à nouveau et tamisées une deuxième fois (ou vendues). Les déchets de mercure finissent dans le fleuve, où les enfants jouent et les poissons meurent. Je prends très très peu de photos tant cet endroit m'interpelle, et uniquement quand on me le demande. Je préfère rester pleinement présente et ouverte, aux sourires, aux regards, sans mettre de distance. Notre guide a son cousin sur place, qui a vécu en Allemagne et en France. Dois-je comprendre qu'il est plus heureux ici ? Avec sa petite fille, qui ira jouer dans le fleuve empoisonné ? On apprend au retour que des Américains sont très présents sur le terrain, venant vivre dans des endroits reculés, partageant le quotidien africain et apprenant toutes les langues et dialectes. Dans un esprit de conquête future selon notre guide? Ils restent entre 6 mois et dix ans. Les Français, eux, interviennent plutôt à travers de grandes ONG et sont beaucoup moins sur le terrain. Il fait beaucoup trop chaud pour moi et je suis tourmentée par des douleurs dentaires qui sont réapparues depuis la veille.

Le récit de la veille ici

Le récit de la suite


22 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page